La mémoire
du voyage.
Il ya le
voyage où l'on passe, anonyme et voyeur. Ce voyage dont la seule
satisfaction est de se rassasier d'images, de sons ou d'odeurs, d'émotions
fugaces, de frissons aventureux ou sportifs. C'est sans doute déjà
beaucoup. C'est assurément légitime.
Et puis
ilya le regard porté sur le Monde.
Le voyage
n'est plus alors seulement un simple aller-retour dans l'ailleurs. Il
demande au voyageur, notamment, un véritable exercice d'analyse
et de mémoire.
Et si le
carnet de voyage était cet exercice même, dans son principe
comme dans ses techniques? S'il était ce support qui permet d'aller
au-delà des mots, des senteurs, des sons et des images? S'il
était ce prétexte à une relation plus approfondie
avec l'autre? S'il était enfin, un gage de réflexion?
pour que le voyage ne nourrisse plus seulement les chemins de la mémoire
mais enrichisse le voyageur d'une perception ouverte sur le Monde.
C'est là
toute l'ambition de la Biennale du Carnet de Voyage et de l'association
organisatrice, Il Faut Aller Voir: que notre regard sorte des
codes et des seules impressions, pour réapprendre "l'usage
du monde". Une ambition qui repose avant tout sur l'échange.
Aprés
une première édition en mai 2000 cette deuxième
Biennale se tiendra selon les mêmes principes en novembre 2001
à Clermont-Ferrand.
Son programme
se densifie mais garde le format d'une convivialité forte. Avec
l'espoir aussi qu'au-delà des expositions qui flattent justement
les talents, auteurs et visiteurs feront à nouveau de cette Biennale,
eux-mêmes, un véritable voyage.
Un
carnet de voyage se veut une forme ouverte, qui doit s'inventer à
mesure qu'il se construit et emprunte à chaque genre sans se
laisser jamais réduire à l'un d'eux.
Dés
qu'ils prennent l'avion pour Tombouctou ou le train pour Argelès,
ils emportent cahiers et crayons, gouache et colle. Dans l'économie
du bagage, la boite d'aquarelle devient prioritaire. Et tant pis pour
le T-shirt supplémentaire!
Les "faiseurs
de carnets de voyage"? Des Hommes aux semelles de vent qui fixent
la poussière de leurs voyages dans l'encre et le papier. Une
impression de jamais vu qui forge la mémoire. Car le carnet de
voyage exacerbe la réalité et transforme le moindre bout
d'emballage ou le billet de car écorné en aventure extraordinaire.
Tous
les montages sont autorisés.Le
plus intéressant n'est d'ailleurs pas tant la beauté des
choses que la singularité du regard posé sur elles.Ils
offrent un indispensable antidote contre les griseries de l'éphémère
et les étourdissements de l'immédiat. (Jean Chesneaux).
Ils constituent une confrontation quotidienne entre le monde qui se
déroule devant nos yeux et celui qui se déroule dans nos
têtes. (Charles Reeve)
Une
envie largement partagée. Lorsqu'on
en parle entre voyageurs, on découvre des talents cachés.
Surtout de plus en plus de pérégrins, toutes tendances
confondues, manient déjà le carnet de route et affichent
rapidement un ardent désir de le transformer en un véritable
exercice de mémoire autant qu'en un exercice de style.
Passer
à l'acte. Par l'exemple, l'exposition
de carnets et la rencontre avec leurs auteurs et les ateliers, la Biennale
a vocation à mettre le pied à l'étrier aux nombreux
voyageurs qui n'osent pas encore devenir des "carnetistes".
Pour une éthique
et une esthétique du voyage. Faire
un carnet de voyage, c'est prendre le temps d'écouter, de ressentir,
d'observer. C'est passer du statut de voyageur à celui de découvreur.
Et ça change tout dans l'échange et le regard porté
sur les autres. A ce titre le carnet de voyage est aussi un formidable
support pour renforcer une certaine éthique du voyage qui remplace
l'urgence et l'a priori par la tolérance et le respect. Il permet
de passer du jugement à l'analyse.
Se retrouver
durablement. Lorsque
des auteurs et un public sont rassemblés, le marché peut
se créer. Le carnet de voyage ne remplacera pas le polar ni le
roman. Ce
n'est ni un objectif, ni un regret. Mais la Biennale a cette ambition
dans la durée, de devenir ce rendez-vous incontournable où
public, auteurs et éditeurs peuvent se retrouver et ensemble
développer un nouvel art du voyage.